Nouhayla Lazrak : Une jeune femme engagée entre banque, recherche et ambition personnelle

📌Pouvez-vous vous présenter ?
Nouhayla Lazrak, 25 ans, je suis originaire de Fès, une ville qui occupe une place importante dans mon identité personnelle et dans mon parcours. J’y ai grandi dans un environnement familial où l’on valorisait la rigueur, l’honnêteté, et la volonté d’aller de l’avant. J’ai toujours été encouragée à poursuivre mes ambitions, tout en gardant les pieds sur terre. Ce cadre m’a permis de développer un sens de responsabilité assez tôt, ainsi qu’une réelle capacité d’adaptation face aux défis. Après un baccalauréat scientifique, j’ai intégré l’Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Fès, où j’ai obtenu un master en marketing et actions commerciales. Ces années d’études ont été déterminantes, car elles m’ont permis de mieux comprendre les rouages du monde économique, de me confronter à des situations concrètes, et de forger mon sens de l’analyse et de la stratégie. J’y ai aussi appris à travailler en équipe, à
présenter mes idées avec clarté, et à construire des projets de manière structurée.
Dès l’obtention de mon diplôme, j’ai eu l’opportunité d’intégrer le secteur bancaire. Cela fait presque deux ans que j’y évolue. Mon métier me confronte chaque jour à des profils différents, à des situations parfois urgentes, à des attentes élevées, ce qui exige une grande réactivité, beaucoup d’écoute, et un vrai sens du service. C’est un métier exigeant, mais enrichissant, car il me permet de rester connectée aux réalités concrètes des individus, à leurs besoins, à leurs projets de vie, ce qui fait écho à ma sensibilité humaine.
Très attachée à l’idée de continuer à apprendre et à approfondir ma compréhension des enjeux humains en entreprise, j’ai choisi de poursuivre un doctorat en gestion des ressources humaines, que je mène aujourd’hui en parallèle de ma vie professionnelle. Je me considère comme une femme engagée, à la fois professionnelle, et pleinement consciente des défis que cela implique. J’essaie de trouver un équilibre entre mes différentes responsabilités, tout en restant fidèle à mes valeurs : l’authenticité, la persévérance, et le respect des autres. Je crois profondément que chaque parcours est unique, et que les femmes n’ont pas à choisir entre ambition et stabilité, entre carrière et engagement personnel. Pour moi, le plus important est d’avancer avec cohérence, de rester alignée avec soi-même, et de ne jamais cesser d’évoluer.
📌Comment avez-vous construit votre carrière ?
Je dirais que ma carrière s’est construite de manière progressive, avec beaucoup de réalisme, mais aussi une vraie envie d’avancer. La construction de ma carrière a été le fruit d’un engagement constant, fait de travail, de choix réfléchis et d’une certaine capacité à m’adapter aux réalités du terrain.
Pendant mes années à l’ENCG, je ne me suis jamais contentée des cours magistraux, j’ai multiplié les stages et les expériences sur le terrain, parce que j’avais besoin de comprendre concrètement ce qu’on nous enseignait en théorie. Ces expériences m’ont énormément appris, notamment en matière de rigueur, de gestion des priorités, mais aussi sur moi-même : mes forces, mes limites, mes préférences. C’est aussi à cette période que s’est confirmée ma passion pour la recherche. J’ai toujours aimé creuser les sujets en profondeur, comprendre les logiques humaines derrière les chiffres, poser des questions auxquelles on ne répond pas toujours facilement.
Intégrer un doctorat en gestion des ressources humaines était pour moi une suite logique, presque naturelle. C’était un rêve depuis mes premières années d’études : celui de mêler pratique et réflexion, et de contribuer, à ma manière, à faire avancer les choses dans le monde professionnel.
Cela dit, l’entrée dans la vie active n’a pas été évidente. Comme beaucoup de jeunes diplômés, j’ai été confrontée à la réalité du marché de l’emploi. Ce n’était pas toujours simple ni rapide. Mais j’ai fait preuve de persévérance, j’ai continué à postuler, à passer des entretiens, à rester active dans mes recherches jusqu’à pouvoir décrocher un poste dans le secteur que je visais, celui de la banque. Ce n’était pas un choix par défaut, mais un secteur que je trouvais structurant, dynamique et porteur de sens. Aujourd’hui, je continue de construire ma carrière étape par étape, avec lucidité mais sans renoncer à mes ambitions. Je crois qu’il ne faut pas attendre que tout soit parfait pour avancer : il faut se lancer, apprendre, s’ajuster, et surtout rester fidèle à ce qu’on veut vraiment.
📌Pourquoi avez-vous choisi ce domaine ?
Depuis mes premières années d’études, j’ai toujours été attirée par les domaines où il y a à la fois de la stratégie, du contact humain et un impact concret sur la vie des gens. Je me suis intéressée très tôt au domaine du marketing, notamment durant mes premières années à l’ENCG grâce à un professeur qui a su transmettre sa passion avec une telle clarté que cela a changé ma vision de la discipline. Il m’a permis de comprendre que le marketing ne se limitait pas à vendre un produit, mais qu’il touchait profondément à la compréhension des comportements humains, des besoins, des attentes, et des façons d’y répondre de manière stratégique.
C’est cette même logique humaine et analytique qui m’a ensuite guidée vers le monde professionnel. Travailler dans le secteur bancaire a été pour moi une suite logique, car cela me permet d’évoluer dans un environnement structuré, exigeant, mais profondément ancré dans la réalité quotidienne des gens… J’interagis avec des personnes aux profils divers qui viennent avec des besoins, des projets, parfois des inquiétudes. Ce rôle de facilitatrice, de relais entre l’individu et l’institution, me parle beaucoup. C’est un domaine rigoureux, mais où la dimension humaine reste essentielle.
Parallèlement, mon intérêt pour la dimension humaine des organisations m’a poussée à m’orienter vers un doctorat en gestion des ressources humaines. C’est un choix que je ne considère pas comme purement académique. C’est une passion qui s’est confirmée au fil des années. J’ai toujours eu cette curiosité intellectuelle, ce besoin de comprendre en profondeur les mécanismes qui influencent la motivation, le bien-être, le rapport au travail, la manière dont les salariés vivent leur quotidien professionnel. En me spécialisant dans ce domaine, j’ai trouvé un espace qui me permet de creuser ces sujets, pour prendre du recul sur ma propre expérience, questionner les pratiques, et pour contribuer, même modestement, à une meilleure compréhension du monde du travail. Je pense que ce qui relie toutes ces dimensions – marketing, banque, RH – c’est mon intérêt sincère pour l’humain, que ce soit à travers les comportements, les besoins ou les dynamiques organisationnelles. Et c’est ce fil conducteur qui guide mes choix depuis le début.
📌Quels sont vos projets et ambitions pour l’avenir ?
Je vois mon avenir comme une continuité de ce que je construis aujourd’hui, étape par étape, avec ouverture et réalisme. Le secteur dans lequel j’évolue actuellement offre de nombreuses possibilités d’apprentissage et d’évolution, aussi bien en matière de responsabilités que de compétences. Je suis consciente que, dans ce domaine, l’expérience est un atout précieux, et je compte continuer à me développer professionnellement au rythme de mes ambitions et des opportunités qui se présenteront.
En parallèle, il y a une envie qui m’habite depuis très longtemps : celle d’enseigner. L’idée de transmettre, de partager un savoir, d’accompagner des étudiants dans leur réflexion et leur parcours est quelque chose qui me parle profondément. Je pense que c’est aussi ce qui a nourri, en arrière-plan, ma motivation pour la recherche et le choix d’un doctorat. J’aimerais, à terme, pouvoir intégrer le monde de l’enseignement supérieur, tout en gardant un lien avec la réalité du terrain, car pour moi, les deux se complètent.
Sur un plan plus personnel, j’aspire aussi à construire une vie de famille épanouissante. Avoir des enfants, être présente, accorder du temps aux miens sont des éléments essentiels dans mon équilibre de vie. Je crois sincèrement qu’on peut aspirer à une carrière solide tout en restant très ancrée dans sa vie personnelle. Pour moi, il ne s’agit pas de choisir entre les deux, mais plutôt de construire une organisation de vie qui permette de s’épanouir dans les deux sphères.
Mes ambitions sont multiples, mais toujours guidées par une recherche de sens, d’équilibre et de cohérence entre ce que je fais, ce que j’apporte et la personne que je souhaite devenir.
📌Y a-t-il un moment ou un évènement qui a marqué un tournant dans votre vie ?
Le décès de mon père a sans aucun doute été le moment le plus marquant, le plus douloureux, et en même temps le plus transformateur de ma vie. Il a traversé une période de maladie, difficile à vivre pour lui comme pour nous, mais malgré cela, son départ a été soudain. Nous ne nous y attendions pas. C’est arrivé brusquement, comme un coup de tonnerre, et cela a bouleversé l’équilibre de notre petite famille. J’étais très proche de lui. C’était un homme exceptionnel, profondément présent, qui m’a toujours soutenue, encouragée, guidée. Il avait une place centrale dans ma vie. Il était fier de mon parcours, et son rêve le plus cher était de me voir réussir et m’épanouir. Nous partagions beaucoup de choses, et sa confiance en moi a toujours été une force motrice, un repère dans les moments d’hésitation.
Sa disparition a été un choc immense. Pendant longtemps, il m’a été difficile d’accepter l’idée qu’il ne serait plus là pour assister aux étapes importantes de ma vie. Mais avec le temps, j’ai appris à faire de son souvenir une source de force. Aujourd’hui, je lui rends hommage à travers chacun de mes accomplissements. Je ressens une forme de responsabilité morale et affective : poursuivre ce qu’il espérait pour moi, et faire vivre ses valeurs à travers mes choix et mes engagements.
Toutes mes réussites, je les lui dédie. Elles portent sa mémoire, et elles sont pour moi une manière de continuer à faire exister son regard bienveillant, même dans l’absence.
📌Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui souhaitent réussir
Je leur dirais d’abord de croire en elles, profondément, même dans les moments de doute. La réussite n’est jamais un chemin tout tracé, encore moins pour les femmes qui, souvent, doivent composer avec plus d’exigences, plus de jugements, ou plus de rôles à gérer à la fois.
Mais cela ne doit jamais devenir un frein. Ce que j’ai appris, c’est que la détermination, la constance et le sérieux finissent toujours par porter leurs fruits. Il est aussi important de ne pas attendre les conditions parfaites pour se lancer. Il faut avancer avec ce que l’on a, avec ses propres ressources, et apprendre en marchant. Personne ne détient toutes les réponses dès le départ. Il faut oser, prendre des décisions, se tromper parfois, mais ne jamais cesser d’apprendre. Je crois aussi qu’il est essentiel de rester fidèle à soi-même. Ce n’est pas parce qu’on évolue dans des environnements exigeants qu’on doit perdre de vue ses valeurs, son rythme, ou ses priorités personnelles. On peut réussir sans entrer dans une logique de
surenchère ou de sacrifice de soi. Enfin, je leur dirais de s’entourer des bonnes personnes : celles qui soutiennent, qui inspirent, et qui poussent vers le haut. On n’avance jamais seule, et il faut savoir s’appuyer sur des repères solides, tout en restant indépendante dans ses choix.
📌 Comment percevez-vous la place de la femme dans votre domaine et dans votre pays ?
Je pense que la place de la femme au Maroc a beaucoup évolué ces dernières années, notamment dans le monde professionnel. On voit de plus en plus de femmes qui occupent des postes à responsabilité, qui créent leurs propres projets, qui s’imposent dans des secteurs longtemps considérés comme masculins. C’est un progrès important, et c’est le fruit de générations de femmes qui se sont battues avec intelligence, patience et détermination. Mais cela ne veut pas dire que le chemin est terminé. Dans mon domaine, que ce soit dans le secteur bancaire ou dans la recherche académique, les femmes sont présentes, compétentes, investies, mais elles doivent encore souvent faire leurs preuves davantage. Il existe parfois des stéréotypes, des attentes implicites, ou une forme de pression silencieuse à devoir
constamment “être à la hauteur”, voire “mieux que la norme”. Cela dit, je préfère voir les choses avec lucidité mais optimisme. Le changement est en cours. Et il se construit aussi grâce aux femmes elles-mêmes, qui prennent leur place, affirment leurs choix, et assument leur ambition avec sérénité. Ce n’est pas une question d’opposition entre les genres, mais plutôt de complémentarité, de reconnaissance et de justice. Je crois profondément que la société gagne lorsque les femmes sont écoutées, valorisées, et pleinement intégrées dans les sphères de décision, de savoir, et d’action. Et cela passe par l’éducation, le dialogue, et surtout par l’exemple. C’est par nos parcours, nos réussites, mais aussi notre manière d’être, qu’on contribue à faire bouger les lignes.
📌 Que pensez-vous du site ?
J’ai découvert Le Féminin avec beaucoup d’intérêt. Ce type de plateforme a, selon moi, une réelle utilité aujourd’hui : donner la parole aux femmes, valoriser leurs parcours, leurs idées, et surtout leur pluralité. Ce que j’apprécie particulièrement, c’est le ton bienveillant et inspirant du site, loin des stéréotypes habituels. On sent une volonté de mettre en avant des femmes issues d’univers très différents, sans hiérarchie, avec simplicité et profondeur. Dans un monde où la visibilité passe souvent par des chiffres ou des apparences, Le Féminin remet au centre ce qui compte vraiment : les histoires de vie, les parcours construits avec engagement, et les voix qu’on n’entend pas toujours dans les médias classiques. C’est une
belle manière de créer du lien entre les femmes, de nourrir des réflexions et de faire naître un sentiment d’identification. Je trouve que cette démarche est précieuse, surtout pour les jeunes femmes qui cherchent des repères, des sources d’inspiration ou simplement des témoignages authentiques. Bravo à toute l’équipe pour cette initiative, et pour la qualité humaine qui s’en dégage.
📌 Un dernier message à partager avec notre audience ?
À toutes celles qui liront ces lignes : avancez à votre rythme, selon vos propres règles, sans vous excuser d’être ambitieuses, sensibles, exigeantes ou fatiguées. Chaque femme porte en elle une force unique, parfois discrète, mais toujours précieuse. Ne laissez jamais les circonstances ou les regards extérieurs définir vos limites. Soyez audacieuses, mais restez vous-mêmes. Le monde a besoin de cette diversité de voix, de parcours, d’équilibres. Enfin je tiens à remercier chaleureusement l’équipe du site Le Féminin pour cette initiative valorisante et profondément humaine. Donner la parole aux femmes, les mettre en lumière avec justesse et respect, c’est déjà une forme d’engagement. Merci de m’avoir permis d’en faire partie.
Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Juin 2025
Découvrez les autres Interviews.